vendredi 11 décembre 2009

Blabla critique d’un futur ingénieur

Le 2 et 3 décembre, je suis allé à Boucherville assister à un séminaire de l’ACI (American Concrete Institue), hé oui, j’étudie en génie civil… Un petit voyage sur le bras de l’université de Sherbrooke (hôtel, bouffe et alcool inclût), ça se prend toujours bien. Durant ces deux jours, j’ai assisté à plusieurs conférences portant sur différents sujets reliés au béton. Deux présentations m’ont toutefois fait froncer un sourcil et éveillé en moi un certain scepticisme. Ces présentations portaient sur deux grands projets construction routière qui vont bientôt se réaliser dans la région de Montréal, soit le prolongement de l’autoroute 25 et de l’autoroute 30. La particularité de ces projets est qu’ils sont réalisés en ppp (Partenariats Public-Privé et non Parti des Pros du Party). Je veux vous démontrer dans cet article que les PPP ne sont pas aussi cool que ce que veut nous faire avaler (comme une grosse Molson Dry dans un beerbong de 10’) notre cher gouvernement provincial.

Avant de commencer, voici un peu de blabla de fonctionnaire:
Un contrat de partenariat public-privé est un contrat à long terme par lequel un organisme public associe une entreprise du secteur privé, avec ou sans financement de la part de celle-ci, à la conception, à la réalisation et à l’exploitation d’un ouvrage public.

Depuis quelques années, les ppp sont autant à la mode auprès du Ministère des Transports du Québec que les tatouages de symboles chinois sur les avants bras des utilisateurs du gym du campus. Le MTQ prétend que ce type de contrat permet d’économiser de l’argent aux contribuables. Je me permets de répondre : Que what ??? Être aussi naïf que le gars dans la pub de Brault et Martineau qui croit que l’émission qui joue sur sa télé HD se passe pour de vrai dans son salon (je pense que je viens de trouver une pub que je déteste plus que celles du Tim Horton), j’avalerais tout ça sans problème. Heureusement (ou malheureusement), j’ai ce qu’on appelle un esprit critique. Comment une entreprise peut-elle réaliser à un coût moindre les mêmes travaux que ferait le MTQ lorsqu’on sait que la majorité des entreprises dans le domaine de la construction n’accepte pas un contrat à moins de 15% de profit? Le Ministère répond que c’est au niveau de la gestion du projet que le gain est fait. Donc on peut en conclure, selon cette déclaration, que les ingénieurs responsables de la gestion de projets au Ministère sont incompétents et sont incapables de gérer efficacement un projet. J’ai déjà postulé au MTQ pour un emploi et je n’ai pas vu la case « Je suis un incompétent» à cocher dans le formulaire d’emploi. Donc jusqu’à preuve du contraire, les employés de l’état sont en théorie aussi compétents que les employés du secteur public à faire une gestion de projet efficace. Certains avanceront l’argument du manque de ressources. Jusqu’à tout récemment, c’est le MTQ qui s’occupait de la conception, de la gestion et de la surveillance des travaux de construction routière. Je crois donc que ces décennies d’expertise et de savoir-faire ne sont pas un obstacle à la gestion efficace des nouveaux projets. Je ne tente pas ici de faire l’éloge du Ministère des Transports, mais seulement de démontrer l’absurdité des ppp.

Mon plus grand problème avec les ppp n’est pas que le gouvernement délègue des contrats à des entreprises privées. Ma plus grande préoccupation est plutôt le concept de privatisation et d’utilisateur payeur. Il n’y a pas si longtemps, le gouvernement Charest nous vantait les mérites des cliniques médicales privées. Ses principaux arguments étaient que les gens qui ont les moyens financiers peuvent se payer des soins médicaux de qualité dans les établissements privés et que cela aurait comme conséquence de désengorger les hôpitaux publics. N’est-ce pas la responsabilité du gouvernement d’offrir un service de soins de santé de qualité et efficace ? Réponse : OUI. En encourageant un système de santé privé le gouvernement se déresponsabilise de ses obligations le système de santé québécois qui est reconnu comme un des meilleurs au monde. La même situation s’est aussi produite avec les projets d’augmenter les frais de scolarités pour les étudiants. La définition de système d’éducation publique signifie que c’est l’état qui se doit de financer les lieux d’enseignement et non les étudiants. C’est exactement la même chose qui est en train de se passer avec le réseau de transport. Prenons l’exemple de l’autoroute 25 qui servira à relier Laval, et les Laurentides, à l’est de Montréal. Le projet comprend entre autres un pont haubané de 1,2 km. La conception, la construction, l’opération et l’entretien du projet seront attribués à une firme privée pour une durée de 35 ans. Comme le projet de l’autoroute 30, l’utilisation de la 25 sera payante. Il y aura donc l’implantation d’un poste de péage sur cette autoroute. Une première au Québec. Bien que la firme privée assume les risques liés à la construction de cet ouvrage et qu’elle doit assumer les coûts d’entretien, elle en retire une partie des droits d’accès en plus du financement de l’état. À un débit journalier estimé à 40 000 véhicules par jour, même si le coût du péage n’a pas encore été dévoilé, au bout de 35 ans, ça fait un joli montant à encaisser. À la fin du contrat, l’entreprise se retire avec les gains du péage, et remet au MTQ la pleine possession du projet. Après 35 ans, la durée de vie d’un ouvrage de génie civil se rapproche de plus en plus de sa fin de vie utile et les coûts d’entretien pour conserver l’ouvrage dans un état acceptable augmentent exponentiellement. C’est donc l’état qui devra assumer ces coûts et l’état c’est nous, mes chers camarades. Vraiment bien pensé, n’est-ce pas ? Encore une fois, en lançant de la poudre aux yeux des électeurs, le gouvernement se déresponsabilise peu à peu de ses obligations envers la population et propose des solutions sans bon sens.

Une autre belle chose avec les contrats en ppp, c’est que c’est le ministère qui choisit la firme qui aura le contrat pour un projet donné. Mais inquiétez-vous pas avec ça, l’attribution des contrats se fait toujours d’une façon juste et équitable. C’est pour ça que Ti-Jean Charest (ou plutôt son équipe de relationnistes de presse) ne veut pas d’enquête publique sur le scandale de l’attribution de contrats des travaux de construction frauduleux…
                         
Alors la prochaine fois que vous entendrez parler de ppp, vous aurez, je l’espère, une idée de l’envers de la médaille. Restons critiques et ne nous laissons pas flouer par les belles paroles de nos politiciens.


Au pays des aveugles, les borgnes sont rois


Philippe de Faubert

1 commentaire:

  1. J'ai gouté au vin Phillippe de Faubert et je dois dire que c'est un sacrilège, personne ne peut comparer faubert avec ca...

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Allez-y dites ce que vous en pensé...